Accueillie par la Maison de Victor Hugo à l’occasion du Parcours bijoux 2017, cette exposition a été l’opportunité de créer des œuvres sous le regard intimidant du maître.
Communiqué de presse
FORMAT DE POCHE de la maison de Victor Hugo
26 septembre – 26 novembre 2017
En écho à la grande exposition Medusa – bijoux et tabous, présentée actuellement au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, et dans le cadre du Parcours bijoux 2017 organisé par l’association D’un bijou à l’autre, la Maison de Victor Hugo est heureuse d’accueillir le groupe CORPUS et de présenter pour la première fois des bijoux contemporains dans l’appartement du poète.
La Maison de Victor Hugo leur offre aujourd’hui un champ inédit de réflexion et de création qui se nourrit aussi bien de l’ œuvre plastique du poète (dessins, décors..) que de ses convictions politiques (combat contre la peine de mort, exil..) ou de sa biographie familiale. La créativité hors norme de Victor Hugo a fasciné les artistes de Corpus qui, s’imprégnant du monde de « l’homme océan », y ont puisé leur inspiration Cette immersion dans l’œuvre polymorphe de l’écrivain se concrétise à travers des créations originales et personnelles, porteuses en même temps d’un regard nouveau et contemporain sur l’écrivain comme d’interrogations plus vastes sur le monde qui nous entoure.
La digression, signe d’un affranchissement, est associée à la pure liberté créatrice. Corpus 8 dessine sa boucle jusqu’à l’infini en un trajet sinueux dans l’univers foisonnant de l’écrivain et parcourt ses multiples digressions. Par leurs différentes approches spéculatives et symboliques, les artistes de Corpus matérialisent à travers ce nouveau corpus d’œuvres leurs vues obliques du bijou contemporain.
Les Rêveries
Pour ma part, je me suis attachée à l’homme plutôt qu’à l’écrivain. Je me suis plongée dans le journal de Victor Hugo et dans la correspondance que sa famille a entretenue avec lui. J’y ai découvert l’homme du quotidien, sensible à tous les détails de la vie.
Voici ce que Victor Hugo écrivait dans son journal le 30 Mai 1841 :
» Il y a quelques jours, je traversais la rue de Chartres. Une palissade en planches, qui liait deux îles de hautes maisons à six étages, attira mon attention. Elle projetait sur le pavé une ombre que les rayons du soleil, passant entre les planches mal jointes, rayaient de charmants fils d’or parallèles, comme on en voit sur les beaux satins noirs de la Renaissance. Je m’approchai et je regardai à travers les fentes.
Cette palissade enclôt aujourd’hui le terrain sur lequel était bâti le théâtre du Vaudeville, brulé il y a deux ans, en Juin 1839.
Il était deux heures de l’après-midi, le soleil était ardent, la rue était déserte.
Une façon de porte bâtarde peinte en gris, encore ornée de feuillures rococo et qui probablement fermait il y a cent ans quelque boudoir de petite-maîtresse, avait été ajustée à la palissade. Il n’y avait qu’un loquet à soulever. J’entrais dans l’enclos.
Rien de plus triste et de plus désolé. Un sol plâtreux. Çà et là de grosses pierres ébauchées par le maçon, puis abandonnées et attendant, à la fois blanches comme des pierres de sépulcre et moisies comme des pierres de ruine. Personne dans l’enclos. Sur les murs des maisons voisines, des traces encore visibles de flammes et de fumée.
Cependant depuis la catastrophe, deux printemps successifs avaient détrempé cette terre, et dans un coin du trapèze, derrière une énorme pierre verdissante sous laquelle se prolongeaient des cryptes pour les cloportes, les nécrophores et les mille-pieds, un peu d’herbe avait poussé à l’ombre.
Je m’assis sur cette pierre et me penchai sur cette herbe.
O mon dieu ! Il y avait la plus jolie marguerite du monde, autour de laquelle allait et venait coquettement une charmante mouche microscopique.
Cette fleur des prés croissant paisiblement et selon la douce loi de la nature, en pleine terre, au centre de Paris, entre deux rues, à deux pas du Palais Royal, à quatre pas du Carrousel, au milieu des passants, des boutiques des fiacres, des omnibus, et des carrosses du roi, cette fleur des champs voisine des pavés m’a ouvert un abîme de rêverie.
Qui eut pu prévoir, il y a dix ans, qu’il y aurait là un jour une pâquerette !
S’il n’y avait jamais eu sur cet emplacement, comme sur les terrains d’à côté, que des maisons, c’est-à-dire des propriétaires, des locataires et des portiers, des habitants soigneux éteignant la chandelle et le feu la nuit avant de s’endormir, il n’y aurait jamais eu là de fleur des prés.
Que de choses, que de pièces tombées ou applaudies, que de familles ruinées, que d’incidents, que d’aventure, que de catastrophes résumées par cette fleur ! Pour tous ceux qui vivaient de la foule ici tous les soirs, quel spectre que cette fleur, si elle leur était apparue il y a deux ans ! Quel labyrinthe que la destinée et que de combinaisons mystérieuses pour aboutir à ce ravissant petit soleil jaune aux rayons blancs !
Il a fallu un théâtre et un incendie, ce qui est la gaîté d’une ville et ce qui en est la terreur, l’une des plus gracieuses inventions de l’homme et l’un des plus redoutable fléaux de Dieu, des éclats de rire pendant trente ans et des tourbillons de flamme pendant trente heures pour produire cette pâquerette, joie de ce moucheron !
Pour qui sait les voir, les plus petites choses sont souvent les plus grandes. »